Circle of Harpy


Story of Harpie I : First Flight

Introduction

"- Papa, tu peux me raconter une histoire au lit?

La nuit était déjà avancée, mais la petite Simé n'arrivait toujours pas à dormir. Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé. Elle avait tenté de compter les moutons sans succès, elle avait toujours une irrésistible envie de les disperser. Se chanter une berceuse était aussi une chose vaine, sa voix ayant tendance à pousser vers les stridents. De plus, il lui était encore interdit de sortir de la maison à son âge sans se faire accompagner, elle ne pouvait donc pas se dépenser dehors. Il lui fallait vraiment son papa pour la bercer.
Son père ayant entendu son appel entra dans sa chambre noircie par la pénombre et s'approcha d'elle.

- Ma petite Simé n'arrive pas à dormir? Murmura-t-il d'une voix douce. Quelle histoire veux-tu entendre?
- Pas celle du magicien, tu me l'as racontée plus de cent fois celle là. J'en veux une autre. Avec une fille comme héros.
- Une fille comme héros ? Voyons...
Son papa réfléchit un instant.
- Alors je pense que celle là va te plaire : c'est l'histoire d'une fille courageuse face à son destin..."

Chapiter I : the encounter

La pénombre étendit lentement son voile sur le village minier de Drager. Les bruits de pas lents et fatigués des travailleurs rentrant des mines se firent de plus en plus discrets au fur et à mesure que la nuit approchait. Portes et volets se fermaient progressivement, et bientôt, lorsque le soleil disparut sous l'horizon de la forêt de conifères, le silence régna en maître sur l'allée principale du village. Il n'y avait plus un chat dehors.
Le bruit d'une bouteille heurtant le sol troubla cette tranquillité pesante. Deux miniers sortirent d'un bar, un des derniers établissements à fermer, titubant sous l'effet d'un alcool un peu trop consommé. Il commencèrent à traverser vaillamment la grande place en s'aidant mutuellement avec force chansons gaillardes et pas de danse improvisés. Puis, le plus âgé d'entre eux se soulagea sur un mur avant de s'affaisser sur un banc, fatigué par leur petite marche.

- Tu vois mon gars, commença-t-il d'un air blasé en s'adressant à son compagnon de fortune, à la fin de la saison j'aurai ramassé assez de pognon pour me barrer de là. Marre de miner, miner, toujours miner dans cette foutue montagne maudite. Ouais, j'irai m'installer quelque part vers la côte, pour y faire vieillir mes os ramollis.
- Ca paie bien pourtant ici, répondit son voisin, un homme encore dans la vigueur du jeune âge. D'ailleurs ça paie très bien pour extraire juste du charbon...
Le vieil homme le dévisagea d'un drôle d'air, puis éclata d'un rire vineux.
- On voit bien que t'es nouveau, toi. Ca doit faire quoi, une semaine ou deux?
Le jeune homme acquiesça avant de finir sa propre bouteille.
- Tu sais rien d'ici, continua le plus saoul d'entre eux. C'est sûr que ça paie bien, pour ce qu'on risque tous les jours. Oh, je vois à ta tête que tu vas me dire : elle est pas prête de tomber la mine. Mais c'est pas la mine, le danger. Le danger, il vient de là haut.
Et il pointa le doigt vers les massifs montagneux.
- On les appelle les Monts du Regard, pasqu'ils prennent la forme d'un oeil quand tu regardes de cet angle là, tiens je te montre.
Et d'un geste il pivota la tête de son voisin à 45°, non sans lui avoir provoqué un torticolis.
- Tu vois mieux comme ça? Oui? Eh bien c'est l'oeil du démon. Il nous épie tout le temps et nous envoie ses monstres quand on s'y attend le moins. Quoi? Balivernes? Et comment tu crois qu'ils ont disparu, Sambert et les autres? C'est pas la maladie ou les conneries que nous raconte le chef de mine. Et puis tout le monde est au courant. Les monstres... c'est elles.
Il s'approcha plus près de son compagnon pour affaiblir sa voix et aussi rajouter à la sienne son haleine éthylique.
- Leur nom est tabou, lui chuchota-t-il. Paraît que c'est le résultat du démon avec des animaux. Avant, on pouvait en voir sans crever et elles chassaient que les grands fauves de la forêt, c'était tout bon pour nous. Mais depuis ces derniers temps, elles s'attaquent à nous aussi. Ca a des ailes avec un corps de femme pour t'ensorceler. Et des griffes aussi, ça elles savent bien s'en servir. Si jamais tu entends leur chant, c'est déjà trop tard pour toi. C'est pour ça que tout le monde se placarde chez soi la nuit. A cause des Harpies. Mais je ferais mieux de la fermer et de rentrer, ça a des oreilles partout.
Il commença à se lever fébrilement, soutenu par son voisin.
- Toi t'es un pote, c'est quoi ton nom?
- Moi c'est Enrik.
- Tiens ben Enrik, ramasse mon chapeau tant que t'y es... merci mon gars. Enrik, Enrik... toi t'es de la capitale toi, ah ha! Z'avez presque le même nom. Bon, je rentre. Et merci pour le pot, gars, à la prochaine!

Enrik salua son voisin de bar de la main et se prépara à rentrer lui aussi après cette dure journée de labeur. La nuit s'était déjà bien établie quand il entendit non loin de là comme un sifflement aigu suivit de plusieurs hurlements humains. Maintenant totalement dessaoulé, il se précipita vers le lieu de l'incident. Une fois là-bas, à l'angle d'une ruelle, c'est avec stupeur qu'il découvrit ce qui fut pour lui la première rencontre avec "une des créatures du démon".

Elle avait un buste de femme nu qui se terminait à la taille, d'où émergeaient des jambes emplumées et de terribles griffes maintenant solidement au sol sa victime, son voisin de bar. Des bras fins et maculés de sang fouillaient dans le ventre de ce dernier et ramenaient tout ce qui pouvait se manger vers une bouche et un visage étonnamment pâle mais d'une beauté stupéfiante. Battant pour garder l'équilibre et une pression sur sa victime, de larges ailes noires ornaient le dos de la créature.
L'apparition impromptue d'Enrik interrompit le repas de celle-ci, qui dévisagea le jeune homme d'un sourire moqueur tout en s'essuyant la bouche du filet de sang humain qui coulait sur son visage. Le vieil homme blessé hoqueta lui aussi de son liquide vermeil en essayant de parler.
- C'est... fini... pour moi. Fuyez, Pr...
Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que la créature lui asséna un coup de griffe puissant sur le cou, brisant ainsi sa nuque et sa vie. Fière d'avoir empêché le pauvre hère de finir son avertissement, elle poussa de nouveau un cri strident et fonça à grands coups d'ailes sur sa nouvelle cible. Enrik ne dut son salut à l'encontre ce premier assaut qu'au réflexe de se jeter sur le côté, évitant de peu les griffes mortelles de son assaillant, et se précipita dans la ruelle la plus proche pour éviter une même attaque. Sachant qu'elle ne pouvait déployer ses ailes dans une zone aussi étroite, la créature rugit de colère, puis se fondit dans le décor et commença à faire le tour de la rue.
Enrik, terré dans une zone d'ombre et encore sous le choc, s'efforça de reprendre son souffle. Il lui fallait trouver un abri où la Harpie ne pourrait pas l'atteindre, et au plus vite. Sa maison était trop loin de sa position actuelle, il ne survivrait pas jusque là. Tâtonnant ses poches, il ne trouva que sa petite dague qu'il avait l'habitude de porter. C'était mieux que rien mais contre un tel adversaire cela ne ferait sans doute pas le poids.
Ruminant ses diverses chances de survie, il sentit soudain une douleur se propager dans son dos, puis un choc brutal qui le fit sortir de sa cachette en tombant. Elle l'avait trouvé. Savourant sa victoire, la créature s'avança lentement vers lui, les griffes des mains maintenant recouvertes par son sang en jubilant.
"Ses ailes ont disparu, comment... ?" Pensa le jeune homme sous le coup de la douleur. Il sortit vivement son couteau mais brusquement il fut projeté de nouveau au loin, perdant son unique moyen de défense au passage.
Riant de son mauvais tour, la Harpie s'approcha encore de lui, d'un geste triomphal fit réapparaître ses ailes, qui d'une telle puissance l'avaient malmené, avant de lui mettre ses griffes des mains au cou et de lui susurrer d'une voix étonnamment féminine à l'oreille :
- Nous ne sommes pas aussi bêtes que vous, les humains. Nos ailes ne nous servent pas qu'à voler. Comme je n'ai plus faim je vais m'amuser un peu avant d'en finir avec toi. Mais avant, je vais t'empêcher de t'enfuir...
De l'autre main, elle s'apprêta à blesser une de ses jambes pour l'empêcher de s'échapper à nouveau lorsque soudain la dague jetée au loin se mit à briller, une inscription sur la lame se faisant visible. La même inscription apparut alors sur la poitrine du jeune homme et généra immédiatement un souffle qui sépara les deux protagonistes.
- Une Rune de Protection! Maudits soient les Chevaliers Runiques! Je me contenterai de finir mon repas. Tu as de la chance, très peu voient le jour se lever après nous avoir contemplées, jura-t-elle à l'adresse du jeune homme.
Elle s'éloigna dans l'obscurité pour réapparaître dans les airs, devant un Enrik hébété, portant sa précédente victime entre ses serres. Un cri, presque comme un chant, se fit entendre avant qu'elle ne disparût complètement sous la brume matinale.
Enrik se releva péniblement, épuisé mais soulagé d'avoir sa vie épargnée lors de cette rencontre, puis ramassa son couteau qui finalement lui avait été d'un grand secours. Il remercia de tout coeur le cadeau que lui avait fait son père pour son récent vingtième anniversaire, un couteau gravé par un chevalier runique. S'il avait su que cette inscription allait lui sauver la vie un jour...
Et, tout en rentrant chez lui pour aller se panser et repartir vers une nouvelle journée de travail, Il leva alors la tête vers les Monts du Regard, pensant aux tristes infortunés tombés sous les griffes de ces créatures.
- Harpies...


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