Dragons Stories
Aisil jeta un coup d'oeil prudent à l'intérieur de la grotte, anxieux. Un bruit sourd et grave résonnait régulièrement tout au long des parois, tel le hululement du vent s'infiltrant dans les falaises.
Pourtant, c'était cet étrange bruit qui l'attirait. Le vent ne soufflait son habituelle sérénade à travers la montagne. Il n'y avait pas d'animaux dans les environs, pas même un oiseau pour siffler dans les cimes des arbres. Juste cette longue plainte qui semblait hypnotiser une nature immobile.
Du haut de ses 13 ans, il prit son courage à deux mains et s'avança dans la pénombre, uniquement apaisé par la réverbération des rayons d'un soleil couchant. Il fallait qu'il le sache. C'était peut être l'unique occasion qu'il aurait d'en voir un.
C'était une immense cavité rocheuse, dont la hauteur dépassait largement la taille d'un arbre à pins et dont la largeur pouvait laisser passer une rangée de carrioles, se rétrécissant au fur et à mesure qu'elle s'enfonçait lentement dans la terre. Elle ne se trouvait pas trop loin du village, et son entrée avait servit auparavant de terrain de jeux aux enfants, jusqu'à ce que la rumeur fit état de la présence d'un cimetière où partait mourir de dangereuses créatures au fin fond de cette place. Etrangement, la caverne n'avait jamais souffert d'éboulis, ni n'avait été envahit par la mauvaise herbe ou les infiltrations d'eau, ce qui avait accentué la superstition. Certains avaient dit que ce lieu servait de repère à des démons, d'autres avaient juré avoir entendu un chant triste et mélancolique et en avait conclu à des Harpies, alors que d'autres maintenaient qu'il servait de demeure ultime aux dragons.
C'était en cette dernière version qu'Aisil était le plus
tenté de croire. Chaque année, en automne, tout le paysage se
transformait au gré des agitations de cette grotte. Les oiseaux se hâtaient
de migrer vers des cieux plus cléments, le gibier disparaissait, se cachant
au plus profond de la forêt, l'hiver n'étant pourtant pas encore
à portée de vue. Seul subsistait cette lente et longue respiration,
qui la rendait presque vivante. De plus, un traqueur spécialisé
dans la chasse de ce type de créature était même venu s'installer
dans la région.
Cela ne pouvait donc être que cela.
Pourtant, le phénomène ne dérangeait guère la population
locale, qui avait des choses beaucoup plus importantes à faire que de
guetter la moindre manifestation du " propriétaire " de cet
endroit. Et puis, tant qu'à faire, pourquoi pas de l'extraordinaire inoffensif?
Cela avait l'avantage d'attirer les étrangers curieux et de faire marcher
le commerce.
De plus, ce " souffle " ne durait que l'espace de quelques jours sur
tout un cycle de vie. D'après les anciens, ce souffle existait bien avant
sa naissance, bien avant la création du village, et d'après eux
durerait bien après sa mort.
Il devait pourtant y aller.
Un pas après l'autre, bravant à chaque instant ses incertitudes,
il disparut dans les profondeurs. De nombreux champignons fluorescents parsemaient
les parois, lui ouvrant la voie, comme pour l'accompagner dans sa périlleuse
aventure. Ils étaient disposés d'une manière si méthodique,
si régulière et harmonieuse, avec des rangées horizontales
sur de larges segments à différentes hauteurs, qu'on aurait dit
plus qu'une simple facétie de la nature. Les aspérités
s'aplanissaient au fur et à mesure qu'il avançait, pour former
une sorte de sentier rocheux ; la tonalité du bruit qui jouait dans les
graves se rapprochait de plus en plus vers les aigus ; le souffle se réchauffait.
Un souffle qui semblait s'accorder en rythme avec les battements de son coeur,
à la cadence de ses pas, une chaleur qu'il pouvait sentir sur ses mains
appuyés contre la roche, sur ses pieds marchant sur les galets. Cette
même chaleur semblait commencer à ses alentours, teintant d'une
vive lueur rouge la végétation ordonnée, faisant pulser
le moindre gravillon. Comme si la grotte, la créature et lui ne faisaient
qu'un.
Haletant dans l'ambiance étouffante, les yeux voilés par la vague
de chaleur mais décidé à aller jusqu'au bout, il finit
par déboucher sur une salle encore plus vaste que le tunnel, tapissé
de cristaux brillant de mille feux. Il leva enfin les yeux vers ce pour quoi
il était venu, une masse énorme qui remplissait toute la grotte.
Il ouvrit la bouche mais aucun son ne pu en sortir, tout ébahit qu'il
était.
Et il vit...
Temps : An H+6/3a,
Lieu : Greenhood.
Greenhood, un bled paumé dans la montagne à plus de deux jours
de voyage difficile en monture. Un peu de brouillard, un temps frais et sec
presque tout le cycle, beaucoup de vent. La coalition des marchands ne s'y rend
que tous les six mois pour y faire du troc. Elevage de moutons, vaches et autres
animaux domestiques, quelques cultures, beaucoup de bois, enfin pour l'instant.
Personne ne m'a remarqué à mon arrivée, ou bien je devrais
dire que personne n'en avait rien à faire. Les gens parlent peu à
l'extérieur, et même à l'intérieur, devant une bière.
Par contre, de la caverne, ça en radote, ah ça...
Des histoires de fantômes, de monstres, de sirènes, de démons,
j'en ai eu pour tous les goûts. On sent bien que toutes ces histoires
ne valent pas un sou, et qu'elles sont très récentes : ils racontent
tous la même chose. Une vraie légende ca s'interprète, ça
se mijote lentement et ça se transforme. Chacun devrait avoir sa version
propre qu'il a transmit à ses enfants, ceux là même qui
les transmettrons à leur enfants à leur manière. Ici, on
voit qu'ils ont bien appris leur leçon.
D'ailleurs, tout le monde en parle mais personne n'a encore eu le temps d'aller
vérifier. C'est pas la peur, qu'ils disent, c'est juste qu'ils n'ont
pas le temps. Ben voyons...
Enfin bon, j'ai entendu dire qu'il y en avait un qui avait osé, un môme.
Il paraîtrait qu'il en serait sortit traumatisé, qu'il avait eu
de la chance de ne pas avoir été dévoré sur le champs,
qu'il était devenu bizarre, presque fou.
Je vérifierai cette info plus tard, en attendant, je vais vérifier
de nouveau mon matériel. La grimpette a pu l'endommager, et je n'aime
pas partir à la chasse avec un handicap. "
Ce n'était pas un bon temps pour s'aventurer dehors. Le brouillard matinal
était toujours dangereux lorsqu'on se déplaçait en montagne,
il pouvait vous perdre si vous n'aviez pas l'habitude du terrain, vous amener
vers une crevasse ou vous faire rencontrer des animaux dangereux.
Mais qu'à cela ne tienne, Aisil continuait sa marche habituelle, envers
et contre tous. A tout temps, et contre tous ceux qui s'étaient inquiété
de son comportement depuis l' " accident ", et voulaient l'empêcher
de pratiquer son nouveau " passe-temps ".
Il avait maintenant coutume, chaque mois, d'aller " voyager " dans
la fameuse grotte du dragon. Il y avait survécu, et maintenant il prenait
un plaisir à y aller.
Pourquoi ? C'était une découverte qu'il avait voulu faire partager
avec tout le monde, mais personne ne l'avait cru. Ils pensaient qu'il avait
perdu une partie de sa raison, dévorée par les démons de
la grotte, mais comme il s'acquittait sans problème de toutes ses tâches
et devoirs envers la société, personne ne lui en reprochait davantage.
Après tout il n'était devenu qu'un peu simplet, cela n'était
gênant pour personne d'autre.
- Tant pis, se dit-il en arrivant enfin à l'entrée de la caverne, ils ne savent pas ce qu'ils ratent
Il accéléra la cadence de ses pas, impatient, et disparut bientôt, avalé par l'ouverture gigantesque.
Il ne remarquait plus la fascinante décoration murale qui l'accueillait en vibrant de ses pulsations lumineuses, ni le parterre rocheux qui se formait à sa venue. Une chute ne lui aurait même pas fait esquisser un semblant de cri de douleur qu'il se serait déjà levé, ignorant la douleur physique. Toutes ses pensées allait à sa destination finale.
Finalement, il déboucha vers la grande salle, celle qui pour la première
fois lui avait donné la plus grande frayeur de sa vie, mais aussi la
plus extraordinaire vision. Depuis qu'il l'avait découverte, elle n'avait
pas changée : immense, circulaire et ouverte vers le ciel. En son centre,
une alcôve creusé dans le sol qui entourait un piédestal
surélevé. De la même forme que la pièce, celui-ci
contenait suffisamment de place pour accueillir une table et deux sièges
en pierre taillé naturellement par l'érosion de la pierre.
Sur l'un deux se tenait assise une personne dont Aisil distingua d'abord les
fines épaules, habillée par une simple robe blanche. Elle fit
mine de le remarquer à son arrivée, en pointant du doigt un petit
pont en bois qui lui permettrait de la retrouver.
Sans pour autant obéir, Aisil prit son élan et traversa d'un bond
l'obstacle, ce qui surprit légèrement celle qui lui faisait maintenant
face. Il lui sourit d'un air espiègle.
- Tu seras toujours étonnant, petit moineau.
- Moins que vous, ma'am, j'ai toujours autant hâte de vous écouter
Il la considéra, souriant de plus belle. C'était une belle et grande dame qui lui faisait face, au regard vague mais qui parfois vous perçait jusqu'au plus profond dans votre âme, au sourire nonchalant et pourtant si sérieux. Pas étonnant que le dragon la voulait pour femme.
- Ne craignez rien, ma'am, si jamais il revient plus tôt, je me chargerai
d'aller botter le cul à votre méchant mari, énonça-t-il
d'un ton fort et jovial, faisant mine de bander ses jeunes muscles d'une manière
caricaturale.
- Ces paroles doivent-ils me rassurer ? répondit la dame en souriant.
- Rassurez moi donc en me racontant une de ses histoires dont vous avez le secret,
il y en a une dont vous aviez à peine esquissé les contours avant
que je ne partes la dernière fois.
- Celle de la fille aux dragons ? Ou alors des soldats de l'ordre impérial
du dragon ?
La dame fit mine de réfléchir.
- La mémoire me manque parfois. Je suis ici depuis si longtemps...que
j'en perds même la notion du temps. Il faut dire que la solitude ne m'aide
pas beaucoup dans l'exercice de l'esprit. Peut être ai-je déjà
tout oublié ?...
- Allons, allons, arrêtez de me taquiner et continuer en tout hâte.
Je n'ai pas non plus tout le temps car il faut que je rentre avant le lever
du soleil. On pourrait croire que j'ai finalement été mangé
par le dragon.
- En tout cas, c'est plutôt vous qui avez l'air affamé de mes paroles.
Les deux personnages se mirent à rire de cette joute verbale, puis la dame reprit son sérieux et inspira profondément avant de commencer son récit.
" La fille aux dragons. C'est une triste histoire dont la fin est encore incertaine, car elle se perd dans les méandres du temps et de l'espace. Les dragons n'y jouent pas un très grand rôle, mais ils ont été un support important pour cette pauvre héroïne qui a traversé bien des obstacles avant de pouvoir se prendre en main, et peut être, affronter son karma. Une fille qui a pourtant eu la bravoure de dépasser le temps pour sauver son propre monde et faire face à sa propre histoire, à ses propres ancêtres.
L'histoire se passe donc dans une région ravagée par la guerre, une région où les armes peuvent tuer en un instant, et où la magie n'est devenue presque qu'un conte pour enfant. Là bas, une petite fille vient juste de survivre à un effroyable incident... "
Tout en écoutant l'histoire de la dame, Aisil savait pourtant bien qu'il
prenait toujours un risque en venant ici. Il se remémora la première
fois où il était venu en ces lieux, tout jeune et inconscient.
Il ne se souvient plus exactement comment les choses s'étaient déroulé,
mais d'après les dires de la dame, sans l'aide de celle-ci pour détourner
l'attention du dragon, s'en aurait été fini de lui. Tout ce qu'elle
avait ensuite pu faire a été de le ramener vers l'entrée,
comme si il s'était juste assoupi là, par inadvertance. Ce qu'il
pensa à cet instant donné.
Mais par un quelconque hasard, ou une curiosité exacerbée, il
avait fini par revenir sur les lieux de son délit, et c'est avec surprise
que la dame l'avait retrouvé.
- Bon...bonjours, ma'am, s'excusa Aisil en interrompant la dame assise au centre
de la pièce dans un instant de contemplation, est-ce que c'est votre
demeure ici ?
La dame ne dit mot, et scruta l'intrus d'un regard interrogateur et surpris.
- Je reçois peu de visite, surtout de la par de personnes tel que vous.
A qui ai-je l'honneur ?
- Je, je m'appelle Aisil de la ville plus bas, la plus proche d'ici vous savez.
Il scruta les alentours, impressionné.
- C'est vraiment grand ici, et tout vide. Ca pourrait même servir à
abriter un...
- Une créature légendaire d'envergure?
- Et bien...
- Un être d'une force et d'un esprit surhumaine, capable de prouesse pouvant
rivaliser avec le plus puissant des magicien ?
- C'est que...
- Voulez vous parler de ce monstre qui veille jalousement sur son trésor
et mangerait les humains tels que vous ?
- Vous...vous en êtes un ?
- Pourras-tu le deviner, petit moineau ?
La dame se leva, traversa le pont survolant le bassin d'un pas lent. Elle semblait
avoir la prestance d'une reine, pensa Aisil, bien que celui-ci n'en avait réellement
vue une que dans les livres.
Sa longue robe blanche semblait flotter, ne touchant que très rarement
le sol. L'iris blanc de ses yeux le fixait imperturbablement, comme si elle
semblait lire dans son esprit. Un léger cliquetis provenant derrière
la dame perturba sa fascination. Il remarqua alors de fines chaînes en
fer traîner derrière elle, dont la longueur et l'origine n'étaient
pas perceptibles. Le visage d'Aisil s'éclaira alors.
- J'ai trouvé ! Vous êtes la captive du dragon ! Il vous a kidnappé et vous a pris en otage en échange d'une fortune qu'il convoite. Et même qu'il veux aussi se marier avec vous parce que vous êtes très belle !
Cette réponse sembla amuser la dame, qui se tenait maintenant tout près à quelques centimètre de lui. Il pouvait évaluer sa taille, qui le dépassait de quelques bonnes tête, un souffle froid qui semblait exhaler d'une respiration presque imperceptible, et un bras, long et fin, qui semblait s'étirer jusqu'à lui, avant qu'une main ne se pose sur sa tête et la caresse, doucement.
- Tu es perspicace, petit moineau. Je suis bien la mariée du dragon,
cette puissante créature qui ne craint rien d'autre que ses semblables.
Tu as de la chance, il est parti se nourrir pour la période d'hiver qui
s'annonce, et ne reviendra pas avant un long cycle. En attendant, je reste ici
pour prendre soin de cette place.
- Mais ma'am, vous n'avez pas envie de vous enfuir, vous n'avez pas envie de
retrouver la liberté ?
- Tes suppositions ont beau être sur la bonne voie, petit moineau, mais
elles ne sont que partiellement exactes. Je ne t'ai jamais dit qu'il m'avait
capturée et qu'il voulait une rançon.
- Alors pourquoi ça ? S'exclama-t-il en montrant du doigt les bouts métalliques
- Ceci ? Répondit-elle en levant le cercle de fer. Ce n'est qu'une ornementation.
Vois tu les dragons aimes les choses simples et primitives. Ceci en fait partie.
Devant l'air dubitatif du garçon, la dame se retourna, puis repris sa place silencieusement, toujours suivie par ce dernier.
- Ai-je l'air d'un dragon ?
- Heuu, non mais je sais qu'il existe des dragons magiciens qui savent se transformer
un n'importe qui !
- Et si c'était un magicien qui s'était transformé en dragon
? Comment saurais-tu faire la différence ?
- Heuu...à cause de leur souffle ou de leur yeux ?
- Je vois que tu connais un peu de chose à propos de cette race, moineau.
Il existe beaucoup de légendes parlant d'eux, mais j'en connais quelques
unes qui ont réellement eu lieu, car j'ai vécu beaucoup de temps
parmi eux.
Elle tira de sa manche un bout de griffe d'une épaisseur considérable, au tranchant encore propre, et le lui montra.
- Ceci est un souvenir de l'un d'entre eux.
- Incroyable ! Fit le garçon en le soupesant. Ca à vraiment l'air
d'appartenir à un dragon, je n'ai jamais vu de griffe aussi épaisse
et lourde.
- Que sais-tu donc des dragons ?
- Moi ? Et bien les livres racontent que ce sont des animaux qui ressemblent
à des lézards gigantesques avec des ailes. Ils peuvent voler et
cracher du feu...j'ai déjà vu toute sorte de créatures
géante mais jamais qui ne pouvaient faire ce que les dragons faisaient.
On raconte aussi qu'ils sont doués de paroles et qu'ils seraient des
magiciens.
- Tu sais vraiment beaucoup des choses, petit moineau.
- C'est parce qu'ils me fascinent, ma'am, et je ne sais pas pourquoi. J'ai du
peut-être en apercevoir un étant petit.
La dame marqua une pause, levant les yeux au ciel.
- Qu'est ce qu'un dragon ? C'est peut être tout d'abord un rêve.
Oui c'est cela, un rêve devenu réalité.
- Un rêve ?
- Qui sont ils ? D'où viennent-il ? Que représentent-il ? De telles
questions se sont posées un jour lorsqu'ils sont apparus. Pourquoi existent-ils
? Et toi, si on te demandait pourquoi tu es là, que répondrais-tu
?
Aisil fut décontenancé face à cette interrogation.
- Pourquoi je suis là ? Et bien...je ne peux pas vraiment l'expliquer mais...c'est parce que je vis, non ?
La dame souris à sa réponse et rabaissa la tête, le fixant de nouveau.
- C'est exactement ce qu'ils pensent. Ils n'ont pas besoin de raison d'exister, car ils savent qu'ils vivent, et cela leur suffit amplement. Contrairement aux humains qui ne cessent de se remettre en cause à chaque instant, les dragons, qui sont aussi intelligents voire plus qu'eux, n'ont pas cette préoccupation.
- Le cycle de la vie et de la mort n'est rien pour eux, car il fait partie inhérente de la nature et du temps, fit elle en jouant avec la griffe que lui avait rendu le garçon. Ils ne cherchent pas à aller contre ces aspects de ce monde ou à les contrôler. Ils ont reçu suffisamment de dons pour pouvoir les apprécier à leur juste valeur.
Elle leva la tranche de la griffe la plus pure qui refléta les rayons du soleil filtrés par la caverne, tel un miroir, et les envoya se perdre dans l'étendue d'eau qui l'entourait.
- L'histoire de cette griffe est peut être un peu longue, mais elle a le mérite d'être racontée. Elle appartient à un tout petit dragon, qui est devenu avec force persévérance le chef de sa tribu...
Les yeux d'Aisil brillèrent d'anticipation.
- Racontez la moi s'il vous plaît, je suis venu ici pour en apprendre
plus sur eux.
- Sais-tu que le fait de rester ici même te met en danger ? Que mon mari
peut revenir dans moins d'un cycle en cas de bonne chasse et t'ajouter à
son digestif ?
- Je me ferai tout petit ! Je serais discret ! s'exclama-t-il avec véhémence.
- Je ne sais pas si je pourrai te protéger plus longtemps...
- Et puis vous avez dit que vous êtes si seule depuis très longtemps,
ça ne vous dérangerait pas d'avoir un peu de compagnie pendant
un temps ? Je suis sûr que vous avez plein d'histoires à raconter.
La dame ferma les yeux, marquant un pause, puis les ouvrit et répondit :
- Soit, il est vrai que je n'ai pas revu d'être semblable à toi depuis longtemps, cela ne me déplairait pas d'avoir compagnie pendant un temps.
Elle lui montra le siège qui lui faisait face.
- Assis toi donc, et laisse moi te conter l'histoire de Eiprah, le petit dragonnet qui deviendra grand...
" ...la fille remercia les dragons qui l'avaient aidé à revenir
dans son temps, puis les vit repartir d'un air triste dans leur temps d'origine.
Elle savait le destin qui attendait chacun d'entre eux, car elle venait d'un
temps futur à eux, mais cela ne semblait pas les inquiéter le
rien du monde, même si eux aussi ils le savaient. Un dragon ne pensait
que l'instant présent, et ne se souciait que peu du passé et jamais
du futur. Elle sentit le dernier battement d'aile, puis plus rien. Plus de dragon.
Elle se remémora leur dernier encouragement, et se retourna sans remords
pour aller reconstruire son monde. "
La dame fit une pause, bien que se discours avait été lent et régulier et considéra le jeune homme.
- Chaque histoire a un sens caché, une histoire dans l'histoire, une
histoire qui permet aux autres de l'apprendre et de la restituer facilement,
et une autre qui permet de discerner le contenu, la véritable signification,
que l'on peut adapter dans une autre histoire ou qui permet de refaçonner
entièrement l'actuelle. Et toi, Aisil, as-tu compris le sens de cette
histoire ?
- Je ne sais pas trop, répondit-il, assimilant encore ce qu'il venait
d'écouter. La jeune fille est partie demander de l'aide à des
dragons parce qu'un autre dragon menaçait son monde. C'était le
dernier dragon qui y existait, et il était triste parce qu'il était
seul, et en voulait à tout le monde. La jeune fille aurait très
bien pu affronter le dragon, mais elle avait peur ? Elle a voulu s'échapper
de la réalité ? De sa réalité ?
- Te rappelles-tu ce que je t'ai dit à propos de l'origine des dragons
?
La réponse d'Aisil fusa instantanément.
- Ce sont des rêves !
- Bien, ou plutôt devrais-je dire, leur origine tiennent des rêves
des hommes. Ils doivent leur existence aux hommes, mais lorsqu'ils ont commencé
à exister, ils ne se sont plus souciés d'eux. Par contre, l'homme
aura toujours besoin des rêves, et aussi des dragons, pour pouvoir avancer.
C'est ce que je retire de cette histoire.
- Mais, et le méchant dragon ? Pourquoi en voulait-il tellement aux autres
alors que ceux-ci n'ont rien fait ? Une dragon n'est il pas sensé être
très intelligent ?
- L'intelligence ne rime pas forcément avec sagesse. L'intelligence est
le savoir du monde, et ce savoir, si il est trop important et n'est pas suffisamment
bien assimilé, peut amener à des actes qui peuvent nuire aux autres.
C'est pour cela qu'une grande sagesse est nécessaire pour pouvoir contrôler
cette intelligence et ne pas sombrer dans la folie.
Le visage de la dame montra une once de tristesse
- Hélas, certains d'entre eux ne sont pas assez sages, et c'est pour cela qu'il n y a pas tant de dragons que cela de par le monde. Avec une telle puissance, ils se conduisent eux même à leur propre perte. Il n'y a pas de bons ou de méchants dragons. Tous espèrent trouver le bonheur, et certains prennent un chemin bien difficile pour y parvenir...
Ils restèrent silencieux pendant un long moment, mesurant la gravité de la situation de leur sujet. Cette histoire parmi tant d'autres leur rappelait jusqu'où pouvait aller un dragon, ou même un homme, ayant perdu la raison.
Ce fut Aisil qui brisa le silence en remarquant que le nuit commençait à allonger son voile par dessus la voûte céleste.
- Il se fait tard, je crois que je ne vais pas tarder à rentrer chez
moi, ils s'inquiètent déjà suffisamment de me voir partir.
- La prochaine histoire, petit moineau, aura pour sujet la garde des dragons,
ces soldats obéissants à un ordre qui s'inspire des dragons.
- Je l'attendrai avec impatience, à la prochaine visite ma'am ! Fit le
garçon en courant vers la sortie.
- A la prochaine, répondit la dame sur son ton toujours aussi posé.
Aisil remonta avec facilité le tunnel, il commençait à en avoir l'habitude, et sortit de la grotte avec une jovialité sans pareille. Il avait reçu de cette visite un morceau de la griffe, preuve incontestable de l'existence de ce que les autres appelaient dédaigneusement des " chimères ". Bien que la dame lui avait recommandé de rester discret quand à l'occupation de la caverne, il pensa que tant que le dragon n'était pas rentré, on ne pouvait pas accuser son occupante d'héberger une créature dangereuse. Il dévala donc la montagne et se rendit vers son village qui se trouvait en contrebas de la vallée.
Tout joyeux qu'il était, il ne remarqua pas une ombre qui l'avait guetté depuis son sortie, tapie dans les buissons.
" Journal d'Adsyla, chasseur de dragons
Temps : An H+6/5b,
Lieu : Forêt de Greenhood
Je dois être à ma trente septième longues filatures sur
ce gosse nommé Aisil, et ça doit faire la trente septième
fois que je n'arrive pas à le localiser une fois qu'il entre dans cette
grotte. Mon rapport n°3 décrivant cette zone me permet d'affirmer
qu'il existe une aura surnaturelle qui l'entoure, ce qui explique son bon entretien,
mais je l'ai visité je ne sais combien de fois et pourtant je n'y vois
que du vide. Vide comme mon enquête. Je ne connais pas un seul dragon
suffisamment puissant qui soit capable de matérialiser sur une région
définie une zone artificielle permettant de filtrer ses visiteurs. Et
puis je ne vois pas un seul dragon se cacher, ils ont généralement
tendance à montrer leurs atouts haut et fort.
J'observe cet endroit depuis maintenant quelques cycles, et pas une seule fois
je n'ai vu quelque chose qui ait un rapport avec un dragon y apparaître.
C'est à se demander si ce n'est pas juste l'antre d'un quelconque sorcier.
Pourtant, ce souffle me paraît trop douteux pour que je puisse en conclure
à ça.
J'ai réuni suffisamment d'informations sur cet endroit, je crois qu'il
est temps de passer à la vitesse supérieure... "
Aisil était attablé dans une auberge, consommant une bière
tout en jouant avec son pendentif où était accroché son
secret depuis maintenant 6 cycles. Il venait de terminer son travail, et prenait
un peu de bon temps avant de rentrer chez lui. Il pensait partir à la
grotte au dragon le jour suivant, qui devait théoriquement être
une journée suffisamment éclaircie par le beau temps pour qu'il
puisse effectuer l'aller et le retour sans encombre.
Cela faisait maintenant 3 cycles qu'il y allait régulièrement,
deux fois entre deux souffles de cycle, et son enthousiasme ne dépérissait
toujours pas. Chaque histoire racontée était différente
l'une de l'autre, et chacune d'elle possédait un sens qui lui permettait
de réfléchir sur la vie de ces créatures pendant de longues
nuits.
Il était encore en train de se ressasser la dernière histoire
contée lorsqu'un individu s'invita à sa table, deux bières
à la main.
- Je te salue, Aisil le chanceux, le survivant des dragons !
- Je ne me lasserai décidément pas d'entendre ce surnom. Et vous
êtes ?
- Adsyla, pour te servir. Je ne suis installé que depuis quelques temps,
et je ne connais pas encore tout le monde dans ce petit village alors j'ai décidé
de prendre les devants. Hey, sympa ton collier, tu l'as pris de quel animal
? Ca à l'air de venir d'un gros gibier.
- Un très gros gibier même. Ce serait même plutôt lui
qui me prendrait en chasse si il me voyait.
- Tiens donc ? A part les ours ici je ne vois pas ce qui pourrait être
dangereux. De plus, un ours n'attaque que lorsqu'il se sent en danger...
- Très juste, mais si je te disais à qui il appartenait réellement,
tu me rirais au nez.
- Au contraire, j'admirerai ton courage pour avoir osé braver un tel
monstre. De plus, j'ai l'oeil pour repérer les babioles des objets authentiques
rien qu'à un bref coup regard, et là je peux voir que ton bijou
n'a pas l'air d'avoir été poli ou réarrangé le moins
du monde.
- Et bien ça fait longtemps que je n'ai pas reçu un tel compliment
venant de quelqu'un. Ca fait plaisir !
Aisil accepta le pichet offert par son nouveau compagnon.
- Je fais des petits boulots par ci par là, il y a beaucoup à
faire ici et on manque de mains d'oeuvre, alors je ne m'ennuie jamais. Et toi,
qu'est ce que tu viens faire ici ?
- Moi ? Et bien on va dire que je visite un peu le coin. On m'a dit que votre
terrain était un authentique village de montagne, loin de tout, et je
peux le confirmer ! Le seul sentier pour arriver jusqu'à vous est une
épreuve de force à lui tout seul !
- C'est bien vrai ça ! acquiesça le jeune homme. Mais même
si la route aurait été meilleure, je ne quitterai ici pour rien
au monde. Dis moi, tu ne serais pas venu ici par hasard uniquement pour la grotte
du dragon ?
- C'est bien la seule attraction touristique que vous proposez non ? Est ce
que par hasard tu insinuerais que je ne sois venu pour rien ?
- Non, bien sûr que non. Fit Aisil en finissant son pichet. D'ailleurs,
j'ai une preuve qu'il existe réellement.
- Nooooon, ne me dit pas que...
- Et si, susurra Aisil d'un ton blasé et jouant avec son pendentif. C'est
une de ses griffes. Depuis que je l'ai trouvé là bas, je suis
certain que ce ne sont pas des fabulations. Il en existe réellement un,
j'en suis sûr.
Adsyla demanda à observer " la preuve vivante ", et le scruta attentivement avant de la lui rendre à son propriétaire.
- Effectivement, ça n'a pas l'air de provenir d'un animal sauvage connu.
Incroyable. Et qu'en est-il du " souffle du dragon " ?
- Ca, je ne le sais pas non plus. C'est très étrange car cela
pourrait très bien ressembler à un souffle de dragon, je suis
allé suffisamment loin dans la grotte pour pouvoir confirmer qu'elle
se réchauffe à sa base, mais je n'ai pas réussi à
déterminer sa véritable origine.
- Dis moi Aisil, fit Adyla en reposant à son tour un pichet vide. Cela
te dirait de me faire une petite visite de la grotte en question ?
- Pourquoi pas ? Demain matin, cela te tente ? Je ne travailles pas ce jour
là, je pourrais donc te la montrer pendant toute la journée.
- Ca marche. Je commence à croire qu'il existe réellement un dragon
et non d'autres créatures comme le clame le reste de la population.
- Ils n'ont pratiquement jamais mis les pieds là bas, comment le sauraient-ils
?
- Hehe, je comprends, je suis content d'avoir pu faire ta connaissance, ça
m'aura permit d'avoir un guide pour là bas, et ça te permettra
d'avoir un adepte de plus à ta théorie du dragon, dit Adysla en
se levant. Si tu veux bien m'excuser, il faut que je termine ma tournée
ici.
- Je ne serais plus le seul alors, ça me rassure, fit Aisil en riant.
Allez, à demain Adsyla.
- A demain, survivant de dragons !
" Journal d'Adsyla, chasseur de dragons
Temps : An H+6/5c,
Lieu : Greenhood
Je suis entré en contact avec Aisil cet après midi, en l'invitant
à boire. Je l'ai sondé pendant notre conversation, et je n'ai
pas trouvé trace de mensonges dans son discours, juste des omissions
qui semblent être dû à l'oubli et au temps. J'ai aussi vérifié
son pendentif, et j'ai pu le dater, enfin, si j'appelle ça dater : le
morceau que j'ai discrètement prélevé me donne plus de
quatre cent mille ans d'âge, ce qui me paraît impossible. Un passant
n'aurait jamais pu trouver sur son chemin un morceau pareil dans un si bon état
de conservation. Il ne peut y avoir qu'une seule conclusion à ce phénomène
: cette partie possédait des attributs magiques qui ont altéré
son âge lorsque ceux-ci se sont dissipés.
Enfin.
Et dire que je commençais à désespérer de trouver
une trace de dragon dans les parages... "
Le jeune villageois retrouva l'étranger devenu son nouveau compagnon
au lever du soleil, au frontière de la forêt. Leur marche se déroula
sans encombre, bien que Adsyla parut surpris devant l'étonnante facilité
à trouver le lieu de ses recherches. Il y avait même un sentier
qui y menait directement, il n'y avait qu'une longue marche droite et en pente
à parcourir.
Finalement, après quelques heures de marche, ils finirent par aboutir
vers la dite place.
Tandis qu'Aisil décrivait et faisait l'historique de la grotte, Adsyla
fit mine de scruter la moindre composant les murs, et observant le sol tel un
enquêteur. Il remarqua alors en se relevant, une marque que le jeune garçon
possédait au niveau de la nuque.
- Une blessure ? demanda-t-il en passant une main sur l'observation en question.
- Qu'est ce que c'est ? Fit Aisil, surpris. Oh, je n'avais jamais remarqué
ça. Il semblerait que ce soit une cicatrice que je me suis faite il y
a longtemps, on l'a remarque à peine. Mais je vois que vous avez l'oeil,
Adsyla.
- Ca, c'est mon métier, répondit ce dernier en riant.
La visite s'écourta alors selon la volonté de Adsyla, qui prétexta une rencontre urgente avec une personnalité de la ville qu'il avait oublié dans sa programmation. Une fois rentré ils se séparèrent, et le chasseur de dragon se hâta chez lui.
" Journal d'Adsyla, chasseur de dragons
Temps : An H+6/5d,
Lieu : Greenhood
J'ai pu enfin percer le mystère qui entoure l'entrée de la caverne,
et comment le garçon avait pu y avoir accès alors que moi pas.
Il semblerait que la blessure qu'il s'est fait derrière le cou il y a
longtemps soit l'origine de son " passage " vers l'autre partie de
la grotte. En prélevant des restes, j'ai pu avoir confirmation de la
présence d'une signature magique qu'il porte constamment sur lui, sans
le savoir, et qui lui permet d'entrer.
Il ne me reste plus qu'à décrypter cette signature, la reproduire
et je pourrais enfin avoir l'accès que je veux. Et qui sait ce que je
vais découvrir à l'intérieur, je dois être prêt
à toute éventualité... "
Ce jour là, Aisil osa braver un temps maussade et pluvieux pour visiter
sa grotte. Malgré la pluie, le vent et la boue, il s'en allait avec une
certaine rapidité, porté uniquement par ses pensées. La
dame lui avait prévenu qu'il aurait droit à une histoire spéciale
ce jour là, et il ne voulait absolument pas en perdre un quelconque instant.
Il se hâta donc avec sa vitesse quotidienne à l'intérieur de la grotte, et ne se soucia pas de son entourage, ne remarquant pas qu'une présence furtive le suivait.
Il arriva comme d'habitude dans la grande salle, et la pluie qui tombait et ruisselait dans le bassin ajoutait une atmosphère encore plus mystérieuse.
Ce jour là, la dame l'attendait, non pas de dos, lointaine et pensive comme à l'accoutumée. Cette fois-ci, elle lui faisait face, l'air grave, au centre de l'alcôve surélevé qui amplifiait la différence de hauteur. La blancheur de sa robe côtoyait maintenant de longues et fines ornementations et broderies, telle la parure d'un jour de fête.
Aisil fut comme paralysé, ne pouvait esquisser le moindre geste, ne pouvant prononcer la moindre phrase.
Lentement, la dame leva les bras dans un geste gracieux, et les chaînes
qui la retenaient tombèrent sur le sol. Elle esquissa quelques pas de
dance, virevoltant sur l'estrade avec une grâce et une facilité
extraordinaire, comme si elle venait de se libérer d'une longue période
d'immobilisation, comme une heureuse délivrance. Tout en dansant, un
son pur et mélodique sorti de ses lèvres, qui firent vibrer les
cristaux autour d'elle. Ce chant rappelait la nostalgie d'un pays quitté,
d'un voyageur dans un monde inconnu, cherchant sans cesse de nouveaux repères
et une nouvelle raison de vivre.
Puis le chant se tut, et la dance s'arrêta sur une révérence.
Aisil resta hypnotisé par le spectacle dont il venait d'assister. Comment une femme d'un âge aussi avancé, cloîtrée dans un espace depuis si longtemps, pouvait encore délivrer un message de beauté et de vigueur ?
La dame descendit de son piédestal, traversa l'étendue d'eau sans à avoir à traverser le pont, presque marchant au dessus de l'eau, ne recevant aucune goutte de pluie, ceux ci semblant l'éviter et glisser autour d'elle. Elle se tint de nouveau devant lui, comme pour la première de leur rencontre, et Aisil pu remarquer un autre phénomène qu'il n'avait pas noté depuis ses visites : elle n'avait pas du tout vieillie.
- Ceci, Aisil, était ma dernière histoire. Une histoire qui raconte un voyage qui n'aura peut être pas de fin, une quête continue, que seule le néant pourra arrêter. C'est une histoire qui ne se raconte pas avec des mots, que j'ai retranscrit par le geste et le chant, et que j'espère tu en auras compris la signification lorsque tu te réveilleras. Et à ton réveil, je ne serais malheureusement plus là pour te raconter des histoires, mais j'espère que tu auras compris la plupart de ceux que je t'ai transmis.
Des larmes coulèrent sur les joues du jeune homme alors que la dame posa une main sur son front qui s'éclaira d'une intense lumière. Ses yeux commencèrent alors à se fermer, et son esprit commença à s'engourdir, il avait si sommeil...
La dame acheva la dernière incantation qui devait ramener le corps de son seul auditeur à l'entrée de la grotte et lui retirer l'accès au niveau inférieur lorsque tout à coup un son sec se fit entendre. La dame bougea la tête légèrement sur le coté, et une flèche rasa sa joue, faisant voler légèrement ses cheveux sous la vitesse du projectile. Cet événement ne la perturba pas davantage.
- Ne bougez pas et relâchez ce jeune homme ! cria une voix au fond de la salle.
L'arc bandé, prêt à décocher une autre flèche, le chasseur de dragon était prêt à en découdre et s'avança à lent pas.
- Un dragon sous l'apparence humaine, cela faisait longtemps que je n'en avais
pas combattu comme ça ! Cette flèche là est sous le sort
de Cible infaillible, et ne manquera pas sa destination !
- Je vois qu'il existe encore des humains capables de prouesses, se contenta
d'énoncer la dame, impassible.
- Et je dois bien être le seul, s'écria Adsyla. Cela fait trop
longtemps que j'attend ce moment pour me venger de ce que vous avez fait à
moi et à mon village !
Brusquement, la dame disparu de son champ de vision. Il tira alors à vue, et la flèche se dirigea vers le ciel avant de retomber dans l'eau. Adsyla tira son couteau et une poudre de sa poche qu'il jeta autour de lui. La poudra, volatile, se dispersa dans toute la salle et se répandit sur les vêtements de la dame, la démasquant dans son invisibilité.
- Ah ! Bonne idée de mettre l'eau en travers de mes flèches,
mais je ne suis pas sans ressource !
- Je ne désire pas me battre, chasseur, fit la dame en dispersant la
poudre d'une main.
- Les dragons n'existent que pour dominer, ce sont les ennemis des humains et
il en a été toujours ainsi !
Il se précipita vers elle, couteau tendu. Elle dévia simplement son attaque, puis une autre, avant de bloquer son bras et de le faire basculer sur le coté, utilisant sa propre force. Elle le força à rester par terre grâce à une combinaison de clé, mais ne continua pas davantage le combat.
- Les dragons comme les humains ont toujours été ainsi. Et je comprends maintenant pourquoi j'ai été invitée ici. Aisil t'ouvrira peut être les yeux, lui qui connaît maintenant mes histoires.
Et elle esquissa le même geste qu'elle fit pour le jeune homme, et plongea Adsyla dans un profond sommeil.
Dragons, dragons, dragons, qui sont-ils ? Ce sont des êtres qui possèdent
la connaissance, des êtres qui possèdent le pouvoir, des êtres
qui possèdent le rêve. La connaissance, le pouvoir et le rêve
des humains. Ceux-ci espèrent désespérément pouvoir
un jour les rejoindre et devenir à leur tour les gardiens de la connaissance,
les juges, les destructeurs.
Est ce qu'un dragon est la dernière évolution de l'homme ? Une
créature qui aura réalisé tous ses désirs et qui
restera seul par ce qu'il ne pourra pas faire partager à tout le monde
ce qu'il sait ? Une créature qui voyagera inlassablement, recherchant
de nouvelle connaissance à accumuler ? Moi, Aisil, détenteur d'une
partie de la connaissance d'un dragon, je me le demande.
En me réveillant, un jour, j'ai cru voir un dragon s'envoler.
" Journal d'Adsyla, chasseur de dragons
Temps : An H+6/5e,
Lieu : Greenhood
Il n'y a pas de dragon à Greenhood. "
Unite side
Une douleur fait émerger mon esprit de ma torpeur habituelle. C'est
une douleur étrange, profonde, vive et incessante, qui se propage tout
au long de mon corps. J'ouvre les yeux, mon regard fixe est posé sur
une large paroi en pierre faiblement éclairée par une source lumineuse
céleste. Il semblerait que je sois dans une grotte, mais je n'arrive
pas à diriger ma vue. Ma tête refuse de se lever, de même
que ma main. Je ne peux étrangement plus bouger mon corps, je ne peux
pas voir mes éventuelles blessures.
La douleur s'atténue un peu, je commence à percevoir mon environnement
grâce à l'ouïe qui me revient. J'entend des voix qui semblent
vivement autour de moi.
- Les liaisons aux bases de données ont été rompues, il me faudra du temps pour les reconnecter, déclare une voix grave et posée.
Une autre voix s'élève, jeune, vive et forte.
- Parce que tu crois que c'est plus facile de mon coté ? Je te rappelle
que c'est la structure externe qui a subit le plus de dégâts !
- Ne pas pouvoir accéder aux données d'envol est plus grave qu'une
simple éraflure de peau, répondit la voix grave.
- Je voudrais bien voir un cerveau marcher tout seul...
Une troisième voix interrompt les deux autres, claire et limpide.
- Calmez vous mes soeurs, nous savons déjà toute que chacun de
nos rôles est primordial pour Unité. On ne peut pas partir sans
que tous les dommages soient réparés, mais ce n'est pas grave,
nous avons tout le temps devant nous. Nous devons par contre réparer
Unité dans la discrétion...
- Oui, je sais, pas de contact avec habitants d'ici, fit la deuxième
voix. Moi ça ne me dérange pas, si je peux m'amuser entre deux
réparations...
- Auré !
- Je plaisantais bien sûr. Je sens qu'elle vont être longues ces
réparations...
Toutes les voix s'atténuent, le sens de l'ouïe m'abandonnant peu à peu pour me laisser dans le silence total. Bientôt, la vue en fait de même, ne restant plus en moi que la douleur sourde qui assaille toujours mon esprit avant que je ne sombre dans l'inconscience.
Unité Side 2
Je ne sais pas combien de temps mon coma a duré lorsque mon esprit se
réveille de nouveau. Ma vue revient en premier, et je n'arrive à
soulever la tête qu'au prix d'un douloureux effort. La douleur, elle,
ne m'a jamais quitté, bien qu'elle s'affaiblisse au fur et à mesure
du temps qui passe.
Je suis dans un grotte dans le plafond est ouvert vers le ciel. De ma position,
je peux voir un ciel étoilé et une magnifique lune parfaite qui
éclaire mon visage. Mon regard s'abaisse, ma tête se relâche,
la douleur s'intensifiant de nouveau à chaque mouvement. Je peux enfin
voir dans quel état je suis : des bandeaux rougies par le sang recouvrent
presque entièrement mon corps nu, une jambe et un bras me manquent. Leurs
restes semblent traîner devant moi, résultat d'une réparation
intensive d'après le matériel laissé aux alentours. Je
suis assise sur un fauteuil de pierre, attaché à lui par des chaînes
métalliques pour ne pas basculer de l'avant. Lui même est situé
autour d'une large dalle de pierre circulaire qui semble flotter autour d'un
petit lac. La grotte est immense et je suis en son centre.
Tout semble calme jusqu'à ce que j'entendes des bruits de pas venant
du bout de la grotte. Une jeune fille apparaît de l'une des nombreuses
ouvertures des parois, vêtue uniquement d'une chemise blanc tombant jusqu'aux
genoux. Son teint clair, et sa chevelure bleutée s'accorde avec le ciel
nocturne et reflètent les éclats de la lune. Elle semble somnoler,
et se diriger directement vers moi. Il n'y pas de passage traversant le petit
lac, mais elle se met à flotter, deux petits éclats s'illuminant
derrière son dos, et marche au dessus de l'air d'un pas tranquille.
- Qui a pu bien le laisser activé ? Et après elles s'étonnent de ne pas avancer dans leurs travaux...
La jeune fille pouffa, puis posa une main sur ma joue. Au contact froid de ma peau, je réagis un très bref instant. Sa peau est douce et dégage une chaleur qui m'envahit doucement.
- Tu vas maintenant te rendormir. Tu en as besoin plus que nous après ce qu'Aurée t'a fait subir, me chuchota-t-elle sur un ton bienveillant.
Mes sens commencent à me quitter de nouveau, mais je ne veux pas. Je veux lui parler, mais ma bouche ne peut émettre le moindre son.
- Bonne nuit, Unité.
Fut ses dernières paroles avant que je sombres encore dans l'inconscience.
Unité side 3
Cela fait maintenant 3 cycles depuis que mes réparations ont commencées.
Le processus de restauration se fait lentement dû à l'environnement
qui n'y est pas propice. Les matériaux sont difficile à trouver,
et le sont encore plus pour les raffiner.
Mes membres manquants ont finalement été réparés,
mais je ne peux toujours pas les manipuler avec autant habileté qu'avant
mon accident. Dix sept liaisons à la base de données ont été
rétablies, cela est encore insuffisant pour que je puisse être
opérationnel.
Je ne peux pas encore me déplacer correctement, je suis donc toujours
en immobilisation le temps que mon niveau de motricité soit considéré
comme acceptable. J'ai été mis debout et toujours solidement maintenu
pour que je puisses me réhabituer à la posture. Je pourrai marcher,
mais je risquerai de tomber et d'endommager de nouveau les parties fragiles
qui viennent d'être réinstallées.
En attendant, je me contente de mes données disponibles pour analyser
mes alentours. Depuis peu, je suis capable de lancer des sondes au delà
de la caverne, et ce que je découvre est très intéressant.
Ce monde est au stade de niveau 2 sur l'échelle de terraformation, c'est-à-dire apte à la vie humaine, et occupée uniquement sur une faible partie...
Aurée side
Un humain s'est glissé dans notre repaire, je ne sais pas comment. J'ai
pu intervenir avant qu'il n'ai pu atteindre Unité et qu'il ne fasse des
dégâts considérables. J'ai du peut être lui mettre
la peur de sa vie, en fonçant vers lui toutes ailes déployées.
Aurorya n'a pas voulu que je m'amuse avec lui, mais je lui ai quand même
mis une clé d'accès pour ici. Je me demande bien ce qui va se
passer et cela m'amuse.
Unité
Liaisons à la bases de données....toutes activée
Etats de la structure physique...état satisfaisant
Etats des trois pilotes...état satisfaisant
Moi, Unité, être artificiel créé pour assister les trois Ailes dans leur mission de représentation de Terra III à travers les Mondes et Plan, suis en état de fonctionnement optimal, paré à l'envol.
Je ne suis qu'un robot, mais quelque part, peut être, je me souviendrait de toi, Aisil. Et des dragons.
FIN